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Qu'est-ce que la méditation ?

Il n’y a pas de réponse à cette question qui puisse faire l’unanimité. La méditation a traversé les âges, les civilisations, les cultures, les religions et s’est répandue via des langues et des rituels différents. La définition qu’on pourrait en donner aujourd’hui ne correspond pas à celle d’hier ni de demain.

Aujourd’hui encore elle varie d’un groupe humain à l’autre. C’est en réalité à chacun d’apporter sa réponse tout en sachant que celle-ci évoluera probablement au cours du temps, suivant la compréhension individuelle. Nous ne chercherons donc pas à donner « la » réponse mais nous étudierons plutôt les éléments qui sont à considérer pour pouvoir répondre correctement.

La compréhension et la pratique de la méditation peuvent profondément varier en fonction de l’état de conscience et des motivations de chacun.

(Ce texte est un extrait du « Traité sur la Méditation »).


Ce que la méditation n’est pas

Voyons tout d’abord ce que la méditation n’est pas afin de mettre en lumière puis d’écarter les idées reçues.

 

La méditation n’est pas de la relaxation.

Les deux sont souvent confondues car elles se ressemblent lorsqu’on observe de l’extérieur l’immobilité des pratiquants. La différence réside dans le fait que la relaxation est une détente physique et mentale tandis que la méditation, si elle est aussi pratiquée le corps détendu, exige une focalisation prolongée de l’attention (une grande concentration ; nous y reviendrons en détail). Bien sûr selon la motivation et le but poursuivi par l’étudiant, le sujet sur lequel est fixé l’attention et la manière de méditer (le « type d’attention soutenue ») peuvent varier considérablement.

 

La méditation n’est pas « ne penser à rien ».

« Il faut tuer le désir », « Il faut tuer le mental », « Il faut cesser de penser », « Il faut penser au vide », … tous ces lieux communs résultent plus de l’erreur de traduction, de l’incompréhension ou de l’ignorance que de quelconques vérités. Il n’y a rien à tuer et vous ne pourrez pas cesser de penser. La méditation est l’art d’utiliser son organe de pensée, et non celui consistant à essayer de le supprimer. Quant à la Vacuité dont il est question dans le Bouddhisme, cela n’a rien à voir avec le fait de ne penser à rien ni même de penser au vide[1].

 

La méditation n’est pas non plus réfléchir de manière concentrée.

Lorsqu’on souhaite réfléchir intensément sur une question particulière, l’expression « Méditer sur la question » est souvent employée. Pourtant la méditation n’est pas un processus intellectuel ; il ne s’agit pas de réfléchir. L’intellect permet de construire des raisonnements et de combiner des concepts déjà connus. La méditation est autre. C’est un processus qui surgit lorsque l’intellect est au repos, immobile et attentif. C’est bien un processus mental (mental abstrait), mais il est distinct de l’intellect (mental concret).

 

La méditation n’est pas une technique de bien-être.

Même si votre but est le bien-être personnel, vous ne pourrez utiliser la méditation comme technique de bien-être. Cela semble en contradiction avec ce qui est écrit ailleurs dans ce site ? Cela ne l’est pas. Si le bien-être est une motivation légitime et un résultat de la méditation correctement menée, celle-ci ne peut pas être utilisée comme une technique ou comme une recette pour atteindre le bien être, voire le bonheur. Vous pouvez utiliser une technique pour assembler une machine ou pour muscler votre bras, mais il n’y a pas de technique pour aimer son conjoint ou son enfant. De même, aucune technique ni aucune recette ne vous amèneront le bonheur ou le bien-être, en tout cas rien de durable. « Faire » n’amène pas à « Être ». Il s’agit là d’un leurre, d’une illusion. La seule solution pour être, c’est d’être. Si vous essayez de « faire » de la méditation pour « être bien » vous serez comme un singe qui appuie sur les touches d’un clavier d’ordinateur en pensant être informaticien. La méditation se situe dans le domaine de l’être et non du faire. Méditer c’est percevoir et comprendre ce qui est. Le bien-être peut légitimement être un but pour la méditation, mais celle-ci ne peut pas être utilisée comme une « technique de bien-être » ; il s’agit d’apprendre à Être et non à faire.

L’apprentissage du placement de l’attention sur l’instant présent aura comme effet une augmentation du bien-être, sauf si vous méditez tout en recherchant le bien-être ! En effet votre attention serait alors tournée vers quelque chose qui n’est pas là (le bien être) et non vers ce qui est là (la réalité telle qu’elle est). De même si vous méditez machinalement en « méditant sans y être », vous pourrez pratiquer des années sans résultat. La sincérité de la pratique est importante.

 

La méditation n’est pas un truc pour ouvrir les chakras[2].

Là encore on retrouve certaines pratiques (notamment en occident) qui sont des manifestations d’incompréhension et d’ignorance plutôt que de sagesse. Les informations sur les chakras proviennent des traditions orientales (notamment indiennes et tibétaines) présentées dans diverses formes de yoga. Exceptionnellement rares sont ceux qui sont capables d’en expliquer précisément et exhaustivement le fonctionnement ou d’avoir simplement une pensée claire sur le sujet. Il s’agit en effet d’un enseignement bien plus subtil qu’on ne le pense lorsqu’on le connait mal, ce qui est en général le cas. Que celui-ci soit pris au sérieux ou non, il est d’une redoutable profondeur et ne peut certainement pas être considéré comme « un truc à connaitre » ou être le sujet d’expériences et d’exercices inintelligents voire dangereux. Dans la tradition tibétaine cet enseignement est considéré comme secret car dangereux et bien trop subtil pour être largement diffusé[3]. Nombreux par contre sont ceux (qu’ils soient indiens, occidentaux, ou tibétains) qui pensent maitriser le sujet alors qu’ils n’en ont en fait qu’une compréhension très superficielle. Cette prétention est hélas bien souvent de l’orgueil ou une illusion de connaissance, ce qui est pire que l’ignorance. Ceux qui pratiquent des exercices de yoga ou de méditation en travaillant sur les chakras, espèrent bien souvent développer leur conscience et acquérir des pouvoirs psychiques particuliers en modifiant leur équilibre énergético-psychologique par ces exercices. C’est hélas méconnaitre l’enseignement auquel il est fait référence. Que l’on se réfère au Raja yoga (Inde) ou au Dzogchen (Tibet, école Nygmapa), on retrouve toujours la même mise en garde : l’équilibre et le fonctionnement énergético-psychologique d’un individu (l’état de ses centres et leur relation avec l’énergie que les orientaux appellent Kundalini) dépend du développement de sa conscience et non l’inverse. Selon ces écoles c’est l’évolution de la conscience qui produit les changements énergétiques intérieurs, jamais l’inverse. L’Ecole Française de Méditation n’enseigne pas de tels exercices et recommande au visiteur de ce site de n’en pratiquer aucun se réclamant de cet enseignement, à moins d’en avoir une connaissance personnelle objective et considérée comme certaine.

 

La méditation est une science

La méditation devrait être considérée comme une science. Elle repose sur des faits expérimentaux reproduits par des milliers de personnes, fonctionne selon des principes précis et des règles rigoureuses. Elle doit être pratiquée avec intelligence et discernement, en cultivant le sens de l’observation, un état d’esprit ouvert, non dogmatique et rationnel. La méditation ne repose pas sur un système de croyance, mais sur l’observation expérimentale du fonctionnement de son propre esprit. L’étudiant qui croit aveuglément son instructeur ou ce qu’il a lu dans un livre au sujet de la méditation, adopte en fait l’attitude opposée à celle qui est requise pour méditer. Il y a déjà 2500 ans, celui qui est considéré par beaucoup comme l’incarnation même de la sagesse et le plus grand maitre de méditation ayant existé, Siddhârta Gautama alias « le Bouddha » disait (selon une traduction donnée par Alexandra David-Neel) :

« Ne croyez pas sur la foi des traditions alors même qu'elles sont en l'honneur depuis de longues générations et en beaucoup d'endroits. Ne croyez pas une chose parce que beaucoup en parlent. Ne croyez pas sur la foi des sages des temps passés. Ne croyez pas ce que vous vous êtes imaginé, pensant qu'un Dieu vous l'a inspiré. Ne croyez rien sur la seule autorité de vos maîtres ou des prêtres. Après examen, croyez ce que vous aurez expérimenté vous-même et reconnu raisonnable. Ce qui est conforme à votre bien et à celui des autres. »

C’est cela l’attitude nécessaire à la méditation. Il s’agit véritablement d’un état d’esprit scientifique. L’apprentissage ne se base pas sur des croyances mais sur des faits objectifs. Pourquoi est-ce important ? Par ce que méditer en se fondant sur une croyance (personnelle ou transmise par un tiers) nous éloignera un peu plus de la réalité et ne mènera qu’à un mirage plus profond et une voie sans issue. Il est bien entendu indispensable d’écouter les conseils de ceux qui ont plus d’expérience en la matière, mais à la condition de comprendre qu’un conseil est un conseil et non LA vérité. Cela pourra devenir notre vérité (ou pas) une fois qu’on l’aura expérimenté et validé. Nos ainés peuvent toujours se tromper bien sûr, mais le véritable risque réside surtout dans la probabilité de mal comprendre les conseils donnés et de se baser ensuite sur des concepts erronés qui dirigeront notre regard intérieur dans la mauvaise direction. Il est difficile de percevoir quelque chose de subtil et fugace en regardant dans la mauvaise direction.

Si au contraire on parvient à diriger le regard intérieur dans la bonne direction et à l’y maintenir, on finira par prendre contact avec l’essence de ce que nous sommes. Il ne s’agira pas alors de concepts ou de croyances, mais d’expérience vécue, de conscience et de connaissance.

Ainsi, nous proposons cette définition : la méditation est la science de l’essence.


[1] La Vacuité est l’absence d’existence intrinsèque des phénomènes observés (qui sont alors « vides d’existence propre »), ce qui est lié à la notion d’interdépendance et non à une quelconque forme de nihilisme.

[2] Chakra est un terme sanskrit qui, dans les enseignements du Yoga, désigne un processus physiologique subtil du corps humain. Selon cet enseignement c’est un vortex, un centre d’énergie tournoyant comme une roue, né du croisement de nombreux fils d’énergie qui parcourent le corps et sont appelés nadis. L’étude de ces choses n’est pas ici le sujet.

[3] Ces enseignements sont notamment conservés par les écoles Kagyupa et Nigmapa. Cf « Le yoga tibétain et les doctrines secrètes (les 7 livres de la sagesse du Grand Sentier) » traduit par Lama Kasi Dawa Samdup et édité par le Dr Evans-Wentz du collège d’Oxford.