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Les Grands Principes

La méditation : de la relaxation à la science de l’être

Il convient de distinguer la méditation de l’ensemble des techniques de relaxation. Celles-ci s’occupent du bien-être par la détente du corps et de l’esprit tandis que la méditation est à l’opposé une tension de l’esprit visant à l’expression consciente de l’être. La confusion entre les deux pratiques provient de l’apparence, car elles se manifestent toutes deux par une immobilité apparente du corps, et du fait que dans sa première phase la méditation utilise la relaxation. Mais dès que le méditant acquiert un peu de calme et de capacité à « être présent » il doit s’efforcer de développer une grande concentration. La relaxation est détente du corps et de l’esprit, tandis que la méditation est l’endurante focalisation de l’esprit.

La méditation est un art, une pratique et une discipline de l’esprit.

Cette pratique repose sur des traditions diverses dont certaines exigent une grande rigueur. Modernisées et débarrassées des dogmes philosophiques ou religieux, ces traditions peuvent donner naissance à une véritable science avec ses trois caractéristiques fondamentales : l’observation, l’expérimentation et les lois.

Tout en étant d’une grande rigueur, la méditation n’est pas une  science  exacte car elle ne se prête pas à des mesures aussi objectives que les sciences dites exactes, telle  la physique.

La méditation est l’art pratique de cette « science de l’être ».

Perception et interprétation

La méditation repose sur l’expérimentation. Les concepts et les théories n’ont d’intérêt que lorsqu’ils reposent sur des faits expérimentaux connus par ceux qui les abordent. Le concept de couleur ne fera jamais sens pour un aveugle quel que soit le talent de l’orateur.

Ainsi la méditation est abordée par l’observation de ce qui est perçu physiquement et mentalement. Dans cette discipline, on appelle « mental » le principe pensant qui est la cause de l’ensemble des phénomènes émotionnels et intellectuels. Volontairement, on ne distingue pas les émotions des pensées (en tous cas au début de la pratique méditative) car une telle distinction est déjà un concept qui éloigne le méditant de la perception objective de ce qui se passe en lui. Une « émotion » ou une « pensée rationnelle » est la description conceptuelle d’un phénomène, et non le phénomène lui-même.

Les premiers entrainements méditatifs sont généralement  des exercices de focalisation de la pensée en un point, conçus pour trois objectifs :

  • Le constat de la versatilité du mental ; le méditant en prend conscience en constatant son incapacité à maintenir la pensée focalisée en un point. Les pensées émergent dans la conscience de manière spontanée et sans que l’on n’y puisse rien. Le méditant ne peut s’empêcher de penser et fait le constat qu’il est le spectateur impuissant de sa propre pensée.
  • En ramenant inlassablement la focalisation de sa pensée sur le sujet de son attention, le méditant finit avec le temps par constater qu’il progresse. Il parvient à maintenir son attention focalisée de plus en plus longtemps et constate qu’il ne peut toujours pas s’empêcher de penser, mais que les pensées non sollicitées ne le gênent plus et ne l’empêchent plus de maintenir calmement son attention. Il découvre par l’expérience que le calme mental ne s’acquiert pas par l’inhibition de la pensée (ce qui serait malsain et presque impossible) mais au contraire par la conscience et l’acceptation des pensées discursives et l’entrainement à la focalisation consciente de la pensée sur le sujet choisi.
  • L’attention calme et stable se développant, le méditant constate expérimentalement la nature de sa pensée : elle est émotionnelle, rationnelle et intuitive à la fois. Il voit littéralement en lui-même l’émotion, la raison ou l’intuition prendre forme et devenir une pensée. Ce faisant, il apprend expérimentalement à distinguer les émotions, les idées et les intuitions,  des formes mentales qu’elles prennent lorsqu’elles émergent dans la conscience. Ne parle-t-on pas de « senti-mental » ?

Dans cette première étape de méditation, le méditant apprend à se calmer, à se concentrer et à observer ses perceptions et les pensées qui en découlent. La distinction expérimentale entre la perception (d’un bruit, d’une émotion, d’une pensée spontanée,…) et la pensée qui s’en suit inéluctablement donne l’accès au mécanisme mental générateur de sens. Même une pensée spontanée génère des « commentaires intérieurs » et d’autres pensées selon l’attention qu’on lui porte. Auparavant, le fait et les commentaires au sujet du fait (ou sens ou interprétation), étaient indistincts les uns des autres dans la conscience de l’individu. Lorsque tel est le cas, les commentaires intérieurs (le sens donné aux faits) font partie de la réalité de l’individu au même titre que les faits eux-mêmes. Le mécanisme est alors le suivant : une perception génère une pensée, un commentaire intérieur qui se renforce rapidement lorsqu’on laisse son attention donner de la force à ce commentaire (on continue « d’y penser »). Le commentaire apparait alors aussi vrai et réel que le fait lui-même, et lors d’une perception ultérieure analogue le commentaire précédent surgira à la conscience quasiment en même temps que le fait lui-même créant ainsi un cercle vicieux où l’interprétation devient parfois plus réelle que la perception des faits. Il ne s’agit pas ici de remplacer ce cercle vicieux par un autre ; il ne s’agit pas de mettre en place une forme d’autosuggestion ou d’autohypnose (en tous cas pas à ce stade) pour remplacer cette interprétation par une autre. En effet la motivation que l’on aurait à le faire et les choix qui pourraient être faits risqueraient fort d’être illusoires ou erronés, de provenir de peurs, d’illusions ou d’incompréhensions diverses.

En distinguant clairement par l’expérience  les perceptions des pensées qui en sont issues, et en développant la capacité à poser son attention sur le sujet de son choix, le calme mental est obtenu. Le méditant ne domine pas ses émotions et ses pensées, mais la domination des émotions et pensées sur le méditant cessent progressivement par attrition[1] car le méditant est conscient de leur existence mais ne leur accorde de l’attention que lorsque il l’estime nécessaire. La perception est expérimentalement différenciée de l’interprétation et l’attachement aux interprétations personnelles cesse (les interprétations ne cessent pas, c’est l’attachement à celles-ci qui cesse, en même temps que leur domination sur le méditant).

De la pensée émotive à la pensée intuitive

Une autre étape est alors entreprise dans la méditation ; la découverte et la formulation de l’intuition.

Le méditant a développé par l’expérience concrète la conscience de son mental et de sa production, les pensées. Il a expérimentalement vécu la mise en mouvement des pensées par les trois sources habituelles : les sensations physiques, les émotions et la raison. Mais au plus profond du calme de sa méditation, une autre source a été clairement identifiée par l’expérience vécue. Lorsque le calme est suffisamment profond, que les perceptions physique sont en dessous du seuil de conscience, que l’émotivité est totalement neutre et au repos, que toute pensée est en suspend et que l’attention est focalisée sur la conscience elle-même et fermement maintenue, alors un autre genre de perception devient apparent  et  met en mouvement la pensée, comme toute perception. Cette perception ne peut être décrite par des mots, elle ne peut qu’être expérimentée et cette expérience a trait à l’être. Le méditant s’est rendu compte qu’en lui l’être physique, l’être émotionnel et l’être intellectuel engendrent des pensées. Il découvre alors qu’il y a une autre qualité d’être qui engendre également des pensées, une manière d’être non sensorielle, émotionnelle ou intellectuelle. Cette qualité d’être est étonnamment impersonnelle. Il ne s’agit pas d’un état où il y a perte de conscience ou confusion, bien au contraire. La conscience est exceptionnellement claire et précise. Elle n’a simplement plus de rapport avec la personnalité du méditant, ses émotions ou opinions et s’accompagne d’une sensation d’absence de temps et de grande plénitude.

Décrite par certaines écoles, cette expérience est extrêmement fugace les premiers temps car dès qu’elle survient la pensée se met en mouvement et la conscience se repositionne immédiatement dans la pensée concrète. De plus, l’expérience étant nouvelle, elle s’accompagne fréquemment d’une émotion jubilatoire puissante. Or la pensée et l’émotion sont tous deux des facteurs qui engendrent des oscillations violentes du mental, ce qui fait instantanément « perdre le contact » avec cette conscience subtile. L’expérience est comparable à la sensation que l’on éprouve lorsqu’on tend l’oreille pour entendre une lointaine flute qui joue faiblement et que soudain une radio placée près de nos oreilles s’allume et fait entendre un concert de rock à pleine puissance. Difficile d’entendre la petite flute dans ces conditions.

A cette étape, une illusion guette le méditant s’il ne reconnaît pas comme telles l’émotion jubilatoire et les pensées de plénitude produites par cette nouvelle qualité d’être lorsqu’elle met en mouvement la pensée concrète. Touché par la puissante sensation de bonheur, de plénitude ou parfois de lumière qui accompagne l’émergence de la conscience intuitive, le méditant risque de s’attacher à ces sensations qui ne sont que des réactions émotionnelles et mentales. Il peut ainsi confondre à nouveau fait et interprétation de ce fait par le mental, prenant ces sensations pour une réalité spirituelle du fait de son attachement. Il risque de se perdre dans la recherche de cette plénitude, dans cette illusion de spiritualité qui voilera de ce fait l’accès à la calme et claire conscience intuitive.

De « faire » à « être »

A force d’entrainement, de patience et de persévérance, le calme mental, la concentration et cette conscience d’être non mentale se développent. S’ensuit alors une nouvelle étape méditative qui ouvre des perspectives majeures au méditant. La croyance commune est qu’il faut faire quelque chose, aller quelque part ou posséder quelque chose pour être heureux. On cherche à « faire pour être ». Mais le méditant a expérimenté le processus inverse et constaté que ce qu’il « est » induit ce qu’il pense, puis ce qu’il fait. Pour prendre un exemple simple, lorsque l’on est en colère on expérimente des pensées de colère, puis si l'on n’y prend garde les actes de colère s’ensuivent. Or le méditant a pu expérimenter différents états d’être et constater leur relation de cause à effet sur la pensée. Il a notamment expérimenté un état non physique, non- émotionnel ou non- mental qui engendre des pensées claires, sereines et impersonnelles et s’accompagne de la sensation d’un esprit plus vaste et plus conscient.

Alors, la quête des possessions, de ce qu’il « faut faire » ou de « là où il faut aller » afin d’être heureux peut cesser car le méditant s’est rendu compte que la croyance commune fonctionne à l’envers : il n’y a rien à « faire pour être » mais il convient  «d’être avant de faire ». Il n’y a pas d’émotion à dominer ou à supprimer, de pensée à avoir ou à ne pas avoir, rien de particulier à posséder afin d’être (heureux). L’être humain fonctionne dans l’autre sens, il « est » puis exprime son état d’être par des pensées, émotions et actes. Soit cela se passe automatiquement et hors de la conscience, soit il s’agit d’un processus conscient et intentionnel. Le tout est d’apprendre à « être » en conscience, et tout comme « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément » (Boileau), les pensées puis les sentiments puis les actes exprimeront naturellement l’état d’être qui est celui du méditant.

 

 


[1] Attrition : disparition progressive par manque d’attention, de vitalisation